Podalydès à l’Elysée

L'affiche à elle toute seule méritait un article. Je ne m'en lasse pas.

Un film sur Sarko, l’idée était déroutante. Et nouvelle, puisqu’il s’agit en France du premier film sur un Président en exercice.

Mais finalement, cette Conquête est davantage œuvre de fiction que documentaire. Les toutes premières images donnent le ton : dans le clair-obscur du petit matin de ce 6 mai 2007, Nicolas Sarkozy joue nerveusement avec son alliance, désespérément seul. Joue avec ses deux images, la publique – l’homme politique en fulgurante ascension – et la privée – le mari délaissé au pire moment –, entre ce « corps » d’autorité du leader charismatique, qu’il est sur la scène UMP, et celui, affaissé dans son fauteuil, presque brisé, que l’on découvre dès l’ouverture.

Je n’ai pas la moindre sympathie pour Nicolas Sarkozy, que cela soit bien clair. Et la tendance clairement défendue par le film, à savoir de se glisser derrière le politique pour filmer « l’homme », me semble pernicieuse : ce discours de campagne, « Je suis fils de Juif et d’émigrés hongrois », qui l’humanise instantanément, prend un visage très hypocrite, voire ironique, à la lueur des politiques d’immigrations ayant suivi son élection.

Cependant, à travers une œuvre de fiction, même ses opposants peuvent trouver le personnage touchant. Ne serait-ce que pour les répliques invraisemblables, face à Chirac ou Villepin, dont on sait qu’elles sont vraies sans pour autant parvenir à y croire, tant elles sonnent comme de vraies répliques de cinéma. Le trio Chirac/Villepin/Sarkozy, sous des traits très forcés, est bien rendu (mêmes mimiques, même coiffures, mêmes gestuelles et mêmes registres de langue !) et permet de nombreux faces à faces comiques, mais n’échappe pas aux écueils dangereux de la satire politique, que l’on frôle à plusieurs reprises.

Dans le rôle principal, Denis Podalydès est criant de vérité (à tel point qu’il m’a fallu plusieurs minutes, à la sortie, pour parvenir à me détacher de son visage et me souvenir de celui du véritable Président). Reproduisant parfaitement le timbre de voix de Sarkozy, son débit haletant et froid, il s’agite, s’énerve, manigance et recrée tout entier sa personnalité extravagante, son côté presque « beauf » (intérêt marqué pour Johnny ou le PSG), « bling-bling » (lunettes de soleil, footing sur la plage, cette réplique sur la Ferrari.. !), et surtout ce mélange agaçant de détermination sans faille et de profond égoïsme.

La musique appuie le côté satirique de certaines scènes par des mélodies souvent trop légères et trépidantes pour le sujet (je ne pouvais m’empêcher de penser au thème des Choristes, sans réellement savoir pourquoi… mais cela en dit long).

Filmé comme un thriller dont tout l’intérêt est sapé par une fin au goût âpre que l’on connaît déjà, La Conquête brille surtout (et seulement ?) par l’interprétation géniale de Podalydès, dont le talent ne se dément pas.